18 décembre 2018
Photo: L’association québécoise des CPE voit d’un bon œil la volonté du gouvernement caquiste d’instaurer une observation plus assidue des apprentissages des enfants.
Le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, veut renforcer le suivi des tout-petits dans les services éducatifs à l’enfance, en demandant notamment aux éducateurs de noter avec plus d’assiduité leurs observations sur l’apprentissage de leurs protégés.
Il a déposé un projet de règlement contraignant les centres de la petite enfance (CPE), les services de garde en milieu familial ainsi que les garderies privées subventionnées à effectuer un « portrait du développement » de chaque enfant, et ce, « deux fois par année ».
« L’objectif, c’est de faire en sorte qu’il y ait une observation plus assidue des apprentissages des enfants, puis que le programme soit de meilleure qualité », indique M. Lacombe dans un entretien avec Le Devoir.
Décrivant l’évolution de l’enfant, le dossier éducatif de l’enfant « est signé et daté par la personne qui le complète et doit être transmis au parent de l’enfant à des dates déterminées ». Le service de garde « doit se rendre disponible pour le parent qui sollicite une rencontre », peut-on aussi lire dans le projet de règlement.
Le dépistage et l’accompagnement des enfants éprouvant des problèmes de développement s’en trouveront à coup sûr facilités, est persuadé M. Lacombe. « On ne peut pas obliger quelqu’un à dépister parce que, dans certains cas, ça peut être plus difficile, mais ce qu’on peut donner comme obligation, c’est de consigner, de prendre en note les apprentissages des tout-petits, leur développement, pour que lorsqu’il y a un problème, puis que quelqu’un lève le drapeau rouge en disant : “On aurait besoin d’aide pour donner des services à cet enfant”, on soit capable de voir comment il s’est développé », explique-t-il.
Ce faisant, le ministre veut préciser, par règlement, « les éléments essentiels du programme éducatif à appliquer » dans les services de garde. « En ce moment, il y a une obligation d’avoir un programme éducatif, mais les paramètres sont assez… élastiques », fait valoir M. Lacombe.
Le nouveau ministre « modifie » et « adapte » la Stratégie relative aux services éducatifs offerts aux enfants de 0 à 8 ans élaborée par l’ancien gouvernement pour y « apporter [la] couleur » de la Coalition avenir Québec. Cela dit, M. Lacombe précise qu’il « n’arrive pas avec un bulldozer » au ministère de la Famille, pour y « mettre à terre tout ce qui a été fait ». « Il y a des bonnes choses dans cette stratégie-là », mentionne-t-il, précisant que la révision de la Stratégie était attendue après l’adoption du projet de loi 143 par l’Assemblée nationale en juin dernier.
L’association québécoise des CPE (AQCPE) voit d’un bon oeil la volonté du gouvernement caquiste d’instaurer une observation plus assidue des apprentissages des enfants. « Déjà on constate que les milieux qui ont ce type de pratiques ont plus de facilité à observer les besoins de l’enfant et à travailler en collaboration avec les familles, souligne la directrice générale de l’AQCPE, Geneviève Bélisle. Il serait important que tous les services — petite enfance, santé, scolaire — travaillent ensemble pour améliorer et intensifier l’accompagnement offert aux enfants et familles », poursuit-elle.
La Fédération de la santé et des services sociaux, qui représente plus de 10 000 travailleuses et travailleurs dans plus de 360 CPE, accueille non sans réserve le projet de règlement rédigé par le ministre Mathieu Lacombe. « [Il] ne tient pas du tout compte de la surcharge de travail des travailleuses et des travailleurs », a-t-elle déploré par voie de communiqué lundi.
Scénarios de retour au tarif unique
D’autre part, Mathieu Lacombe étudie sur différents « scénarios » de retour — en quatre ans — au tarif de garde unique dans les CPE, les garderies subventionnées et les services de garde en milieu familial. « Est-ce qu’on baisse pour tout le monde du quart [chaque année] pendant quatre ans ? Est-ce qu’on l’élimine complètement, tout de suite, pour une certaine portion des parents, puis on attend pour d’autres parents ? » s’interroge le ministre en évoquant certaines options.
La réponse apparaîtra dans le Budget du Québec 2019-2020, qui sera présenté par le ministre des Finances, Eric Girard, vraisemblablement en mars prochain. « On a envoyé un premier signal clair avec la mise à jour économique », rappelle M. Lacombe.
En effet, le gouvernement a gelé la contribution additionnelle de 0,70 $ à 13,90 $ par jour exigée aux parents gagnant un revenu familial net dépassant 52 220 $. Seule la contribution de base — qui s’élèvera à 8,25 $ par jour à compter du 1er janvier — subsistera dans quatre ans.
Le ministère de la Famille ajuste également des programmes de soutien financier visant à favoriser la participation des parents dans le parcours de leurs enfants. On veut « donner des outils à des parents pour qu’ils puissent s’engager davantage dans la réussite de leurs enfants parce que, dans certains milieux, il y a des défis, affirme M. Lacombe. On parle de culture. On parle de milieux socio-économiques. »
13 000 places fantômes ?
Mathieu Lacombe dit avoir constaté à son arrivée au ministère de la Famille que pas moins de 13 000 nouvelles places avaient été annoncées par l’ancien gouvernement sans toutefois être créées par la suite. « On a pris de belles photos, mais ces places-là ne se sont jamais rendues dans les CPE et les garderies. Pendant ce temps-là, il y a des petits Québécois, des petites Québécoises qui attendent », dit-il, promettant du même souffle de « faire le ménage là-dedans ».
Il ne s’oblige pas pour autant à garder intacte la répartition actuelle des quelque 303 000 places sous permis, soit 31,5 % en CPE, 30,2 % en milieu familial, 15,5 % en garderies privées subventionnées et 22,7 % en garderies privées non subventionnées. Il s’affairera à « combler les besoins à des endroits de plus en plus précis ».
Marco Bélair-Cirino à Québec (Le devoir)