Craig Alexander, économiste et vice-président du Conférence Board du Canada, affirme que l’éducation à la petite enfance est le moyen le plus sûr d’assurer l’avenir du pays et de combattre les iniquités sociales. Il ajoute : si et seulement si l’éducation à la petite enfance est de qualité.
Il se dit beaucoup de choses dans la campagne électorale qui s’amorce autour du soutien à la famille et de l’éducation à la petite enfance. J’aimerais rappeler ici les constats les plus importants de la Commission sur l’éducation à la petite enfance que je présidais en 2016-2017.
L’éducation à la petite enfance est un actif qu’il faut s’employer socialement à sauvegarder et à améliorer. Si on souhaite qu’elle constitue une stratégie plus efficace pour lutter contre l’analphabétisme, l’abandon scolaire et la faible diplomation, elle doit être accessible et de qualité. Quatre facteurs entrent en jeu : 1) la formation des intervenants (la formation collégiale représente la meilleure voie à ce chapitre); 2) le ratio enfants-éducateur; 3) un programme pédagogique validé scientifiquement; 4) la qualité de la relation éducative éducateur-enfants et éducateur-parents.
L’accessibilité doit être élargie aux enfants les plus à risque (familles à bas revenus) et aux enfants à besoins particuliers. Ces enfants bénéficient plus que tout autre à fréquenter assidûment un milieu éducatif stimulant. Par ailleurs, on sait que la réussite éducative à la petite enfance ne passe pas par une scolarisation précoce mais par le jeu. Par le jeu, on stimule la créativité, on permet la socialisation, on développe la curiosité et les mécanismes de base de l’apprentissage. Ces acquisitions faites très tôt dans le développement de l’enfant sont permanentes et opèrent durant toute la scolarisation de l’élève.
La fermeture des milieux non régis
Le débat électoral en cours est propice à des dérives qu’il importe de corriger.
Ainsi, on ne peut réduire la qualité des milieux éducatifs à leur simple appartenance à un réseau, qu’il soit commercial ou à but non lucratif (CPE), en milieu familial ou en installation. Il existe des milieux de qualité dans toutes les catégories. Il faut cependant reconnaître, comme le démontrent les études de l’Institut de la statistique du Québec, que ceux-ci sont beaucoup plus présents dans le réseau à but non-lucratif (CPE). Au Québec, seuls les milieux respectant ces critères de qualité devraient être accessibles et financés à la même hauteur par le gouvernement.
Par conséquent, aucun site de milieu de garde non régi ne devrait exister puisqu’il ne répond formellement à aucun critère de qualité sanctionnés par le Ministère. En ce sens, la Commission que je présidais proposait la gratuité de tous les milieux de qualité, l’abandon du crédit d’impôt offert aux parents qui inscrivent leur enfant dans des milieux non régis et la fermeture des milieux non régis. La proposition d’un tarif universel réduit (8,05 $ par jour) est un pas dans la bonne direction à condition d’offrir la gratuité aux familles à bas revenus.
Par ailleurs, si on veut y arriver, les critères de qualité éducative nécessaires dans chacun de nos services de garde doivent être assurés par une évaluation ministérielle constante et une offre de formation continue.
La meilleure stratégie
Dernière remarque : la maternelle 4 ans a été conçue pour rejoindre les enfants qui n’auraient pas fréquenté un milieu de garde avant cet âge. Cela doit demeurer le seul objectif de la création de ces maternelles 4 ans, d’autant que l’on conçoit mal comment développer les places nécessaires faute d’espace et d’accès à une main-d’œuvre qualifiée et disponible. Il m’apparaît déraisonnable de vouloir transférer massivement les enfants qui ont accès actuellement à de bons services en milieux de garde dans des maternelles 4 ans. D’une part, ces enfants reçoivent déjà une stimulation adéquate; les déplacer ne devient qu’un leurre mathématique. D’autre part, les sommes utilisées pour ouvrir des maternelles inexistantes seraient plus utiles pour développer des places en milieux de garde de qualité et en favoriser l’accès au plus grand nombre d’enfants le plus tôt possible dans leur vie.
Bref, la meilleure stratégie électorale serait 1) d’abolir le crédit d’impôt pour les milieux non régis et de les fermer; 2) d’exiger que tous les milieux respectent des normes de qualités minimales; 3) d’assurer l’accessibilité aux enfants les plus à risque et aux enfants à besoins particuliers; 4) d’assurer un financement équitable à tous les milieux de garde de qualité; 5) de proposer la gratuité ou un tarif universel dans tous les modes de garde de qualité; 6) d’exiger une évaluation régulière des milieux de garde et de rendre accessible la formation continue dans tous les milieux.
Il faut se réjouir de la sensibilité actuelle des partis à l’enjeu capital de la petite enfance, mais ne bradons pas la qualité au détriment de l’accessibilité. Ce serait un bien mauvais service à rendre à nos enfants.
André Lebon, président de l’ex-Commission sur l’éducation à la petite enfance